DZOGCHEN ET MAHAMUDRA

AU-DELÀ DE LA PRATIQUE

PETER FENNER

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Après avoir examiné les traditions bouddhistes « orthodoxes », nous allons maintenant nous intéresser aux écoles « hétérodoxes », qu’il serait tout aussi légitime d’illustrer par le Dzogchen, le Mahamudra ou certains aspects du Ch’an/Zen primitif. La similitude de ces traditions fut en effet reconnue dès le XIIe siècle par des maîtres appartenant aux écoles Kadam et Sakya du bouddhisme tibétain. Plusieurs de ces maîtres accusèrent les adeptes du Dzogchen et du Mahamudra de débaucher leurs propres élèves [xv]. Le grand érudit sakyapa Sakya Pandita, en particulier, accusa d’illégitimité aussi bien le Dzogchen que le Mahamudra, arguant du fait qu’ils ne s’appuyaient pas sur des traditions tantriques indiennes. Il les critiqua aussi pour leurs similitudes doctrinales avec le Ch’an [xvi].

Nous traiterons des aspects hétérodoxes du Zen dans le chapitre suivant et dirons dans celui-ci quelques mots sur le Mahamudra. Nous allons cependant surtout nous intéresser au Dzogchen, car cette tradition est devenue pour les pratiquants occidentaux la principale voie d’accès à la perspective hétérodoxe. Non seulement le Dzogchen est actuellement très en vogue en Occident, mais la moindre référence à cette tradition constitue pour de nombreux chercheurs un point favorable – le Dzogchen semble en effet avoir également le pouvoir de se présenter comme une expression du « discours de l’immédiateté » plus pure et plus nette que celle du Mahamudra ou du Zen.

Peut-être n’est-il pas inutile de préciser ici la signification des termes « Dzogchen » et « Mahamudra ». « Dzogchen » est souvent traduit par « Grande Perfection » (respectivement chen et dzog), mais nous pourrions tout aussi justement dire « Plénitude Totale », ou Complète. Ces deux traductions énoncent une expérience de la réalité qu’il est tout simplement impossible d’améliorer, car elle transcende toutes les notions de perfection ou d'imperfection. Le mot « Mahamudra » peut quant à lui être expliqué de diverses manières, mais est généralement traduit par « Grand Sceau » (respectivement maha et mudra) car il « scelle », par la sagesse libératrice de l’ouverture, toute expérience imaginable – objective et subjective, spirituelle et ordinaire. Ce « sceau » du Mahamudra relie et transcende les catégories dualistes. Il est « libre d’entraves », car il englobe et le samsara, et le nirvana. Et il ne peut être limité par aucune expérience ou idée.

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Pour commencer, nous devons noter que ni le Dzogchen, ni le Mahamudra n’existent réellement à l’heure actuelle en tant que traditions à part entière.

Bien que tous deux soient des produits du paysage spirituel indien, on ne peut aujourd’hui y avoir accès que par, respectivement, les traditions Nyingma et Kagyu du bouddhisme tibétain. Et comme ils y sont étroitement intégrés aux systèmes « orthodoxes » du Tantrisme tibétain, il est désormais impossible d’en trouver des expressions pures. Il n’en a cependant pas toujours été ainsi. En Inde, par exemple, du temps du grand siddha Saraha [xvii], il existait une tradition Mahamudra bien distincte, qui laissait explicitement de côté les pratiques de transformation du Tantrisme et prônait à la place une appréhension directe de l’esprit, fondée sur l’abandon de toute activité spirituelle fabriquée [xviii]. Dans une ode à Maitripa, le traducteur tibétain Marpa désigne cette tradition par l’expression « Mahamudra Nu » [xix]. On la dénomme aussi « Voie du Milieu de non-fabrication ». Selon Gam po pa, cette forme rigoureusement non duelle du Mahamudra était supérieure tant au sutra qu’au tantra [xx]. Tout pareillement, le pratiquant n’approche le Dzogchen dans les traditions tibétaines qu’après avoir acquis une expérience approfondie des pratiques tantriques.

Une tradition cachée

Paradoxalement, le Dzogchen est à la fois l’une des traditions bouddhistes les plus profondes et les moins en vue. Cette obscurité peut en partie s'expliquer par sa nature même – le Dzogchen se fonde profondément sur l’expérience vécue – et par le fait que son enseignement a toujours été extrêmement ésotérique et complexe. Ses adeptes tibétains ne le transmettaient en effet qu’à un petit nombre d’élèves, les seuls jugés aptes à le mettre en œuvre et l’incarner sans le fausser.

À strictement parler, il n’existe aucun texte, aucune position philosophique, aucun rituel spécial ni aucune institution particulière permettant de définir le Dzogchen. Certes, la tradition tibétaine a bien produit tout un corpus d’écrits et de pratiques méditatives, mais ceux-ci sont considérés comme de simples accessoires puisque, en essence, le Dzogchen se résume simplement à comprendre la nature fondamentale de l’esprit – laquelle transcende la pensée et le langage, sans pour autant exclure leur fonctionnement.

Le Dzogchen se présente lui-même comme une perspective spirituelle à laquelle ont puisé, depuis des temps sans commencement, des yogins et yoginis cachés qui ont pu dépasser les structures cognitives et émotionnelles divisant la réalité en sublime et matériel, en plaisir et souffrance, en véridique et illusoire, sans par la suite ériger cette révélation en un quelconque accomplissement spirituel. La tradition Dzogchen appelle cela « la vision non fabriquée des choses telles qu’elles sont ». Cette expérience dépasse le besoin de toute pratique et de toute institution puisqu’il n’y a rien qui doive être maintenu, et rien qui doive être détruit. Ainsi, dit-on symboliquement, les racines du Dzogchen résident-elles dans la nature de bouddha primordiale et éternelle, samantabhadra, que seuls quelques rares individus parviennent à voir comme étant leur propre nature essentielle.

Sur le plan historique, le Dzogchen est apparu sur une période s’étendant du VIIe au Xe siècles, au sein des traditions mystiques tantriques du nord-ouest de l’Inde et du Tibet [xxi]. Le premier maître associé à cette école fut Vajraprahé, mieux connu sous son nom tibétain Garab Dorjé [xxii]. Le Dzogchen fut ensuite transmis par divers maîtres indiens tels que Manjushrimitra, Vairochana, Padmasambhava, Vimalamitra, Shrisimha et Jnanasutra [xxiii].

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C’est au cours du XVIIe siècle, lors de la première « Transmission » [xxiv] des enseignements bouddhistes, que la tradition du Dzogchen est entrée au Tibet, où elle fut intégrée aux pratiques du Nyingma ou « Vieille École » du bouddhisme tibétain. La tradition du Mahamudra s’est développée à la même époque, par l’intermédiaire d’une autre lignée de maîtres indiens dont Saraha (VIIIe ou début du IXe siècle), Savaripa (VIIIe siècle), Tilopa (988-1069) et Maitripa (1010-1087). Elle a été introduite au Tibet par Marpa, puis transmise à Naropa (1016-1100), Milarepa (1040-1123) et Gam po pa (1079-1153), qui figurent parmi les fondateurs de l’école Kagyu.

Comme nous l’avons déjà mentionné, les deux traditions – Dzogchen et Mahamudra – furent intégrées aux pratiques de transformation du Tantrisme. L’école Nyingma considère le Dzogchen comme le couronnement du système de développement fort complexe et très détaillé s’échelonnant du Hinayana [xxv] jusqu’aux différents niveaux du Tantrisme [xxvi], en passant par le Mahayana ; le Mahamudra occupe une position similaire au sein de l’école Kagyu.

Même ainsi, ces traditions tendent à se situer en dehors des institutions religieuses orthodoxes. Les textes hagiographiques indiens et tibétains abondent en récits inspirants relatant comment des adeptes du Dzogchen et du Mahamudra, après avoir commencé leur vie spirituelle en tant que moines ayant fait vœu de célibat, ont quitté leur monastère pour aller rejoindre le monde extérieur où ils se firent les chantres indépendants – et, dans certains cas, fortement controversés – de la voie de la liberté naturelle.

De nombreux grands pratiquants du Dzogchen étaient des reclus et des ermites anonymes, vivant dans des grottes de la montagne, tandis que d'autres étaient des nomades qui partageaient la vie de leur tribu et veillaient sur des troupeaux de yaks dans les steppes du plateau tibétain. D’autres encore étaient politiciens, administrateurs, commerçants ou même mendiants – ou bien occupaient un poste élevé dans la hiérarchie religieuse du Tibet, tant au sein du Nyingma que d’autres traditions. Le cinquième Dalaï-lama, par exemple, était un adepte du Dzogchen bien qu’il appartînt, non pas à l'école Nyingma mais, comme tous les Dalaï-lamas, au Gelug, courant plus scolastique qui tendait parfois à décrier la tradition du Dzogchen.

Le Dzogchen ignore plus que toute autre tradition bouddhiste tibétaine les différences sociales, religieuses et économiques. Il fait également fi des ségrégations sexistes : tandis que certaines traditions bouddhistes ont de temps à autre manifesté des tendances misogynes, le Dzogchen, lui, a toujours attiré les femmes – c’est même probablement lui qui a produit le plus grand nombre de maîtres de sexe féminin. La nature communautaire et non institutionnelle du Dzogchen n’y est certes pas étrangère, comme le souligne Tsultrim Allione : « Les communautés du Dzogchen tendent à être non hiérarchiques, à se fonder sur la coopération plutôt que sur la compétition ; ce sont des communautés de familles ou de vagues regroupements d'ermites des deux sexes, qui n’ont aucune “organisation” particulière mais dont les membres s’entraident et se soutiennent sans instituer la moindre hiérarchie [xxvii]. »

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Les traditions du Dzogchen et du Mahamudra sont uniques à de nombreux titres. Dans leurs expressions les plus pures, elles rejettent toute tentative de favoriser l’éveil par une quelconque pratique – étude, rituel, prière et même méditation. Ces écoles déconstruisent systématiquement les discours validant ces méthodes, professant que les expériences pouvant être induites de telle manière n’ont aucune valeur spirituelle, et peuvent même être nuisibles. Ces méthodes n’ont aucune valeur, affirment-elles, car l’état ultime est dépourvu de toute structure et ne peut donc constituer une expérience spécifique.

Du fait qu’elles se fondent sur une expérience intemporelle et transpersonnelle de la conscience non structurée, ces deux traditions sont également transculturelles et transhistoriques – nous entendons par là qu’il n’existe pas forcément un lien entre le Dzogchen et le bouddhisme. Le Dzogchen existait et existe toujours indépendamment du bouddhisme, tout comme certains pratiquants du Zen ne se sentent aucunement affiliés au bouddhisme.

Le Dzogchen lui-même, qui a de tout temps été cultivé au sein de la tradition indigène Bön [xxviii], professe n’avoir avec le bouddhisme qu’une relation contingente [xxix]. L’affiliation historique du Dzogchen au bouddhisme peut être imputée au fait que le bouddhisme place lui aussi l’accent sur la primauté de l’expérience directe, constituant ainsi un fondement très fertile et très conducteur pour étayer l’exploration d’une expérience spirituelle transcendant le besoin de croyances, de rituels et même d’Écritures.


Rien à faire

Niguma, une femme qui enseignait au XIe siècle, nous fournit une description dépouillée du Mahamudra qui peut également s’appliquer au Dzogchen :

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Selon les traditions hétérodoxes, il n’y a donc rien à accomplir et nulle part où aller, car nous sommes déjà ce à quoi nous aspirons. La nature de bouddha n’est en rien différente de l’esprit d’un individu vivant dans l’illusion. Il n’existe par conséquent aucune différence entre la nature des pensées illusoires et la qualité de la présence éveillée [xxxi]. Les trois aspects de la bouddhéité sont notre « état naturel », d’où il s’ensuit que tout ce que nous pourrions souhaiter atteindre se trouve déjà en nous de façon immanente.

Dans un autre texte de la tradition Mahamudra, nous pouvons ainsi lire :

Chose intéressante, nous trouvons des précurseurs de cette optique dans les plus anciens enseignements bouddhiques connus. Ainsi, le canon pali fait-il dire au Bouddha :

La première phrase se réfère à la condition de l’esprit non éveillé, tandis que la seconde évoque l’état lumineux naturel de l’esprit.

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La notion que ces impuretés constituent des voiles « accidentels » venant recouvrir un esprit intrinsèquement pur est plus explicitement développée dans certains textes mahayaniques – le Srimaladevi et le Ratnagotravibhaga (Mahayanuttaratantra shastra) décrivent tous deux ces impuretés comme étant de même nature que l’esprit. Ces impuretés n’ont pas le pouvoir de souiller l’esprit, car celui-ci est déjà en lui-même complet et parfait – d’où l'inutilité de suivre un chemin ou d’éradiquer les impuretés mentales.

Comme le déclare le Ratnagotravibhaga :

Des notions similaires figurent dans la littérature de la Sagesse Suprême.

C’est toutefois dans les traditions hétérodoxes que les implications de cet enseignement sont le plus pleinement mises en pratique.

Selon ces traditions, nous n’avons pas besoin de faire quoi que ce soit pour fabriquer l’éveil, car notre état naturel est totalement pur depuis le tout début. Comme le dit Longchenpa, l’un des grands maîtres du Dzogchen :

Contrairement aux approches « orthodoxes » examinées au cours des précédents chapitres, le Dzogchen ne propose donc pas de chemin. Il n’existe dans cette approche aucun territoire à traverser – mais cela ne signifie pas pour autant que nous avons atteint le terme du voyage spirituel.

Ainsi, l’un des premiers textes du Dzogchen, le Kunjed Gyalpo, décline-t-il cette tradition en « Dix Absences » :
 

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Il n’y a ici rien à gagner ou à perdre, car l’expérience transcende le besoin de fuir la souffrance ou atteindre la libération. Rien ne vient contredire ou menacer cette expérience, car tout ce que l’individu a jamais pu penser, accomplir ou ressentir est une expression d’un état d’accomplissement total.

Tout pareillement, il n’existe pour le Mahamudra rien à atteindre, car l’état de réalisation est intrinsèquement présent dans « l’esprit ordinaire ». Gam po pa décrit l’esprit ordinaire comme une conscience pure se connaissant elle-même, qui n’a jamais été souillée par la conscience empirique ou la pensée conceptuelle, et où n’existe aucun précepte philosophique [xxxvii]. Cet esprit ordinaire est « impermanent », car ce n’est pas une entité. Il ne peut pas être situé et l’on ne peut dire ni qu’il existe, ni qu’il n’existe pas.

Comme le chante Maitripa dans ses Chants sur la vue, la méditation, l’action et le fruit :

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Libération naturelle

La tradition Dzogchen affirme que les émotions réactives et les pensées perturbantes se libèrent, ou disparaissent, d’elles-mêmes. Contrairement aux voies orthodoxes : « On ne façonne ou conditionne pas [son esprit] en supprimant [ses expériences] ou en [appliquant] des remèdes, mais en laissant [l’esprit] demeurer naturellement [dans la condition où on le trouve] [xxxix]. »

Le maître contemporain Namkhai Norbu Rimpoché nous en dit un peu plus :

La libération spontanée, ou disparition naturelle des émotions réactives, survient comme une conséquence naturelle de notre identification à la présence-telle-qu’elle-est. Quand notre conscience cesse d’être conditionnée par notre propension compulsive ou consciente à connaître et fuir différentes sensations, les pensées et les sentiments flottent dans notre présence comme les nuages dans le ciel. Les émotions fondent comme neige au soleil au contact de notre conscience panoramique.

Ni saisir, ni réprimer aucune des pensées, émotions ou perceptions qui se présentent – telle est la clé pour libérer spontanément les émotions entravantes et les pensées compulsives.

Comme l’écrit Longchenpa :

Par conséquent, l’on ne juge pas certaines expériences sublimes et d’autres, bassement matérielles. On ne tire pas de ce qui est vécu davantage que ce qui est donné dans l’instant présent. On n’amplifie ou n’accentue pas ce que l’on vit, comme dans le Tantrisme, mais on ne le banalise ou dévalorise pas non plus. Fondamentalement, on n’intervient pas, on n’interfère en aucune façon. L’expérience est naturelle, non affectée, non manipulée. Cette pratique s’intitule « Laisser ce qui se présente tel qu’il est ».

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Conscience pure, non structurée

Dans les traditions hétérodoxes, la seule pratique – mais qui ne peut pas être « pratiquée » – consiste à simplement être présent et conscient dans l'instant présent [xlii]. Ce strict vécu de l’instant présent est souvent dénommé « non-méditation », car il est naturel et non fabriqué. Comme l’écrit le siddha indien Savaripa dans son Recueil de chants sur les enseignements oraux du Mahamudra :

Il n’existe dans ces traditions ni concentration méditative, ni attention délibérée, car toute forme de concentration mentale ou d’intentionnalité consciente ne fait que déformer et remplacer la nature non fabriquée de la conscience non structurée.

Dans le Mahamudra, par exemple :

Nul besoin non plus de réfuter ou établir la moindre opinion, vérité ou thèse, car l’expérience n’est pas influencée par nos croyances. Nous nous libérons ainsi de la dualité cognition-connaisseur, et demeurons dans un état ouvert et libre, exempt de tout jugement. Il n’est pas davantage nécessaire de supprimer les pensées ou les émotions pour connaître la liberté. Une chose est cependant requise : ne plus être conditionné par les pensées et les émotions.

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Comme l’écrit Namkhai Norbu Rimpoché :

Une fois cette conscience vierge activée, les pensées et les émotions ne fonctionnent plus comme des agents de conditionnement : elles existent toujours, mais ne déterminent plus les états mentaux présents et futurs. Elles ne sont plus qu’une simple présence, quelque chose qui prend place au sein de la dimension réelle de l’être.

Dans le Dzogchen, la seule discipline consiste à se maintenir dans un état de conscience naturel et non fabriqué. Il existe dans le Tantrisme une notion très importante et à certains égards fort complexe : « l’engagement » ou samaya, qui requiert entre autres choses de se sentir en permanence relié à son maître et à sa lignée, ainsi que la détermination profonde de poursuivre sans faillir la pratique dans laquelle on est engagé. Dans le Dzogchen, en revanche, le seul engagement consiste à être présent, tout en sachant que l’on ne peut pas être l’acteur de cette présence consciente, et que cette dernière n’est pas une chose qui existe.

Voici ce qu’en dit Namkhai Norbu Rimpoché :

Des préalables entrent néanmoins en ligne de compte dans le Dzogchen, car c’est en évitant les deux états opposés de la somnolence et de l'exaltation que l’on cultive et entretient cette présence. Concrètement parlant, cela signifie que l’on évite les actions et les environnements favorisant la dépression, l’ennui, la léthargie, l’excitation, l’agitation et ainsi de suite. Mais, une fois que cet état est présent, il n’y a rien que l’on puisse faire ni pour l’intensifier, ni pour le détruire. Bien plus, on voit que tous les efforts déployés pour connaître cette présence n’ont ni favorisé, ni contrarié sa survenue puisqu’il s’agit là de la nature primordiale et non conditionnée de la nature de l’Être.

Le Dzogchen présente donc une perspective qui transcende le besoin de suivre une pratique spirituelle. Mais il va plus loin, car nous y rencontrons une critique achevée et radicale du cadre orthodoxe sur lesquels portaient les premiers chapitres de ce livre. Cette critique frappant au cœur de toutes les formes de pratique orientées sur un objectif, nous pouvons à juste titre la qualifier de « critique anti-méthode ». Tel sera le sujet du chapitre qui suit.

 

NOTES